8 membres d'une "milice" anti-migrants condamnés par le tribunal de Boulogne

Publié : 23 juin 2023 à 7h22 par Jérôme Noël

Huit hommes ont été condamnés ce jeudi par le tribunal correctionnel de Boulogne à des peines allant d'un an de prison avec sursis à un an et demi de prison ferme. Ils ont été reconnus coupables d'avoir participé à des agressions de migrants à coups de barre de fer, organisées début 2016 dans le Calaisis et le Dunkerquois.


Traumatisme crâno-facial, fracture de l’orbite, hémorragie méningée, ecchymoses. L’examen médical des trois ressortissants syriens molestés à la barre de fer par des individus « cagoulés, gantés, et vêtus de noir » dans la nuit du 20 au 21 janvier 2016 à Calais témoigne de la violence de l’agression.


C'est grâce à la localisation des téléphones volés aux migrants et à une surveillance visuelle que la police judiciaire avait interpellé sept individus dans la nuit du 10 au 11 février, à Loon-plage, près du terminal ferry où de nombreux migrants tentent de prendre le départ vers l’Angleterre. Sur place, les policiers avaient retrouvé des barres de fer, une matraque télescopique, une bombe lacrymogène, et des talkie-walkie. Deux autres personnes avaient été arrêtées peu après.


Au fil des interrogatoires, tous finissent par avouer à des degrés divers leur participation à des passages à tabac organisés, désignant Christophe G., 48 ans à l’époque des faits, comme le leader. L’homme, à qui la citation à comparaître a été délivrée hors délai, était absent ce jeudi et sera jugé ultérieurement.


« Il voulait faire une milice. Il m’avait donné un brassard avec un numéro » s'est souvenu Stéphane G., dont le rôle était de "faire le guetteur et prévenir si des migrants arrivaient". Les expéditions punitives étaient organisées sur la page Facebook « Les Calaisiens en colère », un groupe créé « pour défendre les gens qui habitaient autour de la Jungle » a précisé le fils de Stéphane, Jefferson G. Mains tremblantes sur son sweatshirt noir à l’effigie du justicier Deadpool, l’homme de 31 ans a qualifié Christophe G. de "gourou", et a juré avoir été « manipulé ».


Nino P., lui, avait rejoint le « commando » en pleine conscience. Ce Breton de 34 ans a découvert la situation calaisienne via les réseaux sociaux, où il s’affichait cagoulé et en tenue de combat. Au Président du tribunal qui lui demande s’il se sentait en croisade, il répond: « oui, pour moi, c’était ça. Je suis patriotique: la France, on ne nous l’enlèvera pas »


Un discours qui tranche avec celui d’Arnaud L., 19 ans au moment des faits. « J’avais une crainte des migrants à cause de ce qu’on voyait sur les médias et sur les réseaux sociaux. Je me suis laissé enrôlé par mon beau-père (considéré comme le bras droit de Christopher G., ndlr). Je voulais lui faire plaisir. Le 21 janvier, j’ai vu les violences, et j’ai été choqué. Ca a été un déclic pour moi. J’ai dit « stop », je ne voulais pas continuer ». En 2020, l’homme s'est engagé au sein de la SNSM. Depuis, il multiplie les sauvetages de migrants au large de la Côte d'Opale et a reçu les félicitations du Préfet maritime.